véronique bin-garambois |
Uwe Jäntsch est un artiste autrichien. Il a travaillé dans son pays puis en Allemagne (Berlin, Hambourg) aux USA (San Francisco, New York), en Suisse, avant de débarquer dans le port de Palerme en 1999. Arrivée d’un artiste et esprit libre dans une ville éblouissante, une étincelle s’est créée, elle ne s'éteindra plus. Son installation depuis 17 ans à la Vucciria, où il travaille et vit toujours, a marqué le renouveau d’un élan vital pour ce quartier historique.
La ville de Palerme s’est en effet créée autour de la place Garraffello au coeur de la Vucciria, première banque, premier palais de justice, palais historiques des 16ième et 17ième siècles, fontaine de 1592. Au fil des ans et du développement de la capitale régionale sicilienne, le déclin de la place s’est accompagné d’un essor intense de la vie populaire avec le plus ancien marché de la ville, le marché de la Vucciria connu dans l’Italie entière pour la qualité de ses produits et sa vitalité fougueuse.
Depuis son arrivée à Palerme les interventions de l’artiste se sont succédées régulièrement avec des points forts: la création de la banca nazion et son bancomat, banque de culture et contre-culture, repère sur la place Garraffello et sur le palais Lo Mazzarino dont la façade s’orne d’une grande croix rayonnante et de sa signature Uwe Ti Ama, couleur passion. Il faut aussi citer le travail de l’artiste dans la Loggia dei Catalani, où il a créé diverses chambres, lieux de ses interventions avant que le palais ne s’écroule le 5 février 2014, dans l’indifférence des instances administratives. Administration qui s’est pourtant manifestée pour démanteler une installation gigantesque faite avec les apports de habitants du quartier, la Cathédrale des déchets. A ces points forts qui ne sont qu'une petite partie de son oeuvre, cette dernière exposition étant sa 41ième intervention, il faut noter la participation d’Uwe Jäntsch à la Biennale de Venise en 2009 avec son installation Porn Pavilion. Art de contestation, toujours en réaction contre des situations abusives, le travail d’Uwe Jäntsch s’inscrit dans un courant libertaire assumé.
Aujourd’hui, le quartier de la Vucciria est laissé à l’abandon par les pouvoirs publics, le marché n’est plus que le souvenir de ce qu’il a été, les palais historiques sont murés ou s’écroulent, le temps accomplit son oeuvre sur fond de spéculation immobilière future. C’est dans ce contexte qu’Uwe Jäntsch présente son exposition « Vucciria Icone ». Il y donne vie à ces voix de la Vucciria qui ne sont plus, ou pour si peu de temps encore. Et ce sont les vendeurs de fruits et légumes qui s’unissent aux bouchers aujourd’hui disparus des ruelles. Les poissonniers désormais terminent en fin de matinée et les petits métiers se sont évanouis comme les années d’antan. L’artiste donne leur place à ces spécialités palermitaines que sont les babbaluci (petits escargots que nous ne mangeons pas en France) et les stigghiole, brochettes de tripes représentatives de la cuisine des rues de Palerme. Les petits métiers, l’indigne qui vend des matériaux de récupération, le livreur de bouteilles de gaz, en voie de disparition eux aussi, ne sont pas oubliés. Toutes ces voix lancent de plus en plus leurs appels aux souvenirs des palermitains, les étals ont fermé, les enfants ne succèdent plus à leurs parents.
Dans ces portraits, les bouches lancent des mots qui s’évanouissent dans les airs et leur yeux pour la plupart sont déjà morts comme le sera inévitablement le marché dans quelques temps. La poésie de ces cadres tient à leur vérité: l’artiste a fait les portraits de ceux qui l’ont accueilli parmi eux. Il les a immortalisés afin que le marché de la Vucciria ne disparaisse pas à tout jamais.
L'exposition de ces "Vucciria icone" est à la fois pleine de grâce et glaçante. Pleine de grâce dans la manière picturale naïve et pourtant profonde qu’a l’artiste de saisir ces visages identifiés à leurs métiers. Glaçante car ces visages sont ceux de la mort annoncée de ce qui a été la vie depuis des siècles à la Vucciria, et ils nous renvoient à la marche inexorable et terrifiante du temps qui passe. Parmi ces icônes, 2 cadres présentent des métiers émergents suite au changement de la microsociété de la Vucciria, la movida remplace le marché et avec elle les commerces des revendeurs de coke et d’héroïne sont en place, la mort hallucinée s‘est installée…
Ces 30 icônes délicates, peintes sur verre, petits formats dans des cadres ouvragés anciens, s’organisent en 26 métiers, autour d’un portrait miniature d’une femme inconnue, auxquels s’ajoutent 3 petits cadres de croix rayonnantes emblématiques de l’art d’Uwe Jäntsch.
Parallèlement, l’artiste présente un cadre important intitulé « Apocaliptic Rider ». Ce tableau est saisissant: c’est en effet l’apocalypse de la ville de Palerme. Pour l’artiste elle court à sa perte sur un cheval blanc et se décapite elle-même. La force de la mort en mouvement restera une vision inoubliable, un frisson de l‘âme. Faisant écho aux contrastes de la ville de Palerme, la puissance de ce destrier et la robustesse de son cavalier décapité s’opposent à la délicatesse des ballerines aux bras démesurés qui semblent tenter d’arrêter la fuite en avant mortelle de ce cavalier fou. Elles sont empreintes de grâce, de lumière et sans doute d’espoir. Sous la présence bienveillante des croix rayonnantes de l’artiste, elles implorent l’aide des âmes des disparus dont la présence est si palpable à Palerme. La qualité de l’exécution picturale est remarquable par sa précision, la finesse des traits et le réalisme des détails, les détails architecturaux par exemple. Pour l’artiste Palerme est féminine, féminine fatale. Ainsi il associe l’attraction sensuelle irrépressible qu’elle exerce sur qui veut la sentir vivre, et son autodestruction suicidaire omniprésente et sans limite. Cette œuvre est une œuvre majeure et magistrale de l’artiste. Avec elle, il démontre qu’en peinture on peut exprimer l’analyse du déclin d’une capitale régionale. Et ce qui serait de l’ordre normal du discours est bien plus frappant ainsi. On dit que l’Art est Beauté. Ce tableau en est l’illustration tout en ajoutant une dimension supplémentaire, l’Art d’Uwe Jäntsch est Intelligence visionnaire.
Ville de contrastes, Palerme n’a certainement jamais été aussi bien montrée dans sa vérité qu’à travers les 31 tableaux de cette exposition. C’est la beauté d’une âme en perdition qu’Uwe Jäntsch a su peindre.
© Véronique Bin-Garambois, 19 mai 2016.
Le anime del palazzo Lo Mazzarino salgono e scendono le scale, vivono ancora nella loro dimora. E si arrabiano vedendo come è degradata ora. Ma sono fiere del artista che ora vive al ultimo piano. E lui chi ha ridato alla piazza Garraffello e alla facciata di loro palazzo un po della grandezza del passato. E un artista splendente che ha acceso una luce con sua arte intorno alla fontana della piazza e le anime volano, felici di sua compagnia.
Volano ancora nel palazzo che forse crollerà ma non sentono piu le voci del mercato, si sono spente con sua morte, perchè ora non esiste quasi piu. I gridi passati sono ora gridi silenziosi che toccano solo il cuore di chi ci pensa. Di chi li ha amati abbastanza per non dimenticarli. Di chi anche non li ha conosciuti ma è toccato fino al fondo del cuore da loro urli silenziosi. Queste voci erano quelle degli uomini, solo gli uomini lavoravano al mercato, forse perchè Palermo è il sud, con tradizioni del sud.
Una sola donna nei quadri degli assenti della Vucciria, sguardi vuoti, morti, partiti, non si sa. La donna sconosciuta lei è viva, sorride e sulla sua cornice è scritto che benedice la casa. Sarà questo il senso: le donne fanno le case, e Palermo è una città feminile. Si vede nelle voluttuose architteture, nelle statue di marmo pero piene di vita, nel movimento danzante delle barche della Cala, nei sussurri delle fontane, nelle piante maestose nei cortili dei palazzi, dapertutto lo spirito delle donne vive.
Sono anche le donne che provano a fermare il cavallerizzo pazzo. Il cavallo bianco non porta un principe o un rè ma un uomo che si è tagliato la testa. L’incubo di Palermo che si distrugge da sola, che da secoli cade, sotto il sole, sotto l’ombra dei 4 canti. E le delicate ballerine allungano loro braccia per fermare questa fuggita verso il nulla. Il cavallo è bianco, le ballerine hanno la luce come le persone toccate dalla grazia, c’è speranza per la città impazzita? c’è speranza quando l’apocalisse è vicina? le anime del passato possono dare aiuto o solo contemplare il disastro?
Una cosa sicura è che c’è tanto amore in questo Apocaliptic Rider che non si puo vederlo senza avere dei brividi dentro il cuore quando le lacrime davanti la morte in movimento sono passate.
Resta solo l’amore infinito per una città che crolla sotto il sole, che si perde nella sua storia, che balla nelle vie e le piazze del suo centro storico. Resta l’amore infinito che risentono quelli che sono caduti tra sue braccia, quelli che non la sognano ma l’accettano come è, nel suo degrado radiante.
Dedicato a Uwe Jäntsch.
© Véronique Bin-Garambois, 9 juin 2016.
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